jeudi 28 mai 2015

Claude Gueux, de Victor Hugo

Bref, percutant, émouvant et pamphlétaire, voici un petit texte qu'il serait dommage de ne pas lire.
Victor Hugo y reprend, et romance légèrement, la condamnation et exécution de Claude Gueux,  ouvrier parisien et pauvre emprisonné cinq ans pour vol puis exécuté pour le meurtre de M. Delacelle, directeur des ateliers de la centrale de Clairvaux.

On suppose aisément qu'avant que Victor Hugo ne s'intéresse à Claude Gueux en 1834, celui-ci n'était considéré que comme tout au plus un petit criminel méritant, sans doute, la condamnation à mort pour homicide, d'autant plus qu'il était incarcéré depuis plusieurs années, fréquentait avant cela une prostituée et était un homme de peu d'éducation.
Victor Hugo, dont l'objectif est de faire le procès de la peine de mort - déjà quasiment abandonnée en Italie, ou en Autriche, avant d'être abolie dans les décennies qui viendront -, reprend donc le récit de ce procès sous une forme légèrement romancée, d'apparence factuelle, mais d'apparence seulement. Son intérêt est, bien sûr, de rallier le lecteur à sa cause et pour cela, il choisira le sentiment.
Ainsi, la compagne de Claude Gueux ne se prostituera que suite à son incarcération, pour faire vivre leur enfant. Claude Gueux lui-même sera présenté comme un homme humble, réservé et ne se séparant pas ni des ciseaux de couturière de sa compagne ni du livre qu'elle lisait, l'Emile de Rousseau - choisi symboliquement par Hugo -  mais qui, tel l'aimant, attirera les autres détenus à lui, provoquant la jalousie et la colère du chef d'ateliers.
Ce sera la séparation imposée de Claude d'avec Albin, son compagnon - prenez le sens que vous voudrez donner à ce terme - celui qui partage son pain avec l'homme toujours affamé, et l'indifférence feinte, ensuite, aux supplications de Claude pour retrouver ce compagnon, qui provoquera le sentiment exacerbé d'injustice que ressentira Claude, qu'il ruminera, jusqu'à revendiquer la mise à mort de Delacelle comme seule justice possible.
Justice et humanité s'affrontent alors. Pour Claude, ce meurtre est une évidence, même s'il doit provoquer sa propre mort. Victor Hugo tourne si habilement le récit que bien sûr le lecteur considère que Claude Gueux ne mérite pas cette condamnation à mort, si injuste, si cruelle, tout comme le lecteur remettra en cause le système judiciaire défaillant, répressif quand il aurait fallu qu'il soit éducatif.
Un juge mécontent, dessin de Victor Hugo
La version que j'ai achetée est celle du Livre de Poche à 1.50€, et bien la préface et les nombreuses annotations de bas de pages de Emmanuel Buron, maître conférencier à Rennes, méritent largement le détour, même si ces dernières sont parfois clairement destinées à un public étudiant.
Claude Gueux suit de quelques années le plus connu Le Dernier Jour d'un Condamné dont il y ici un extrait percutant de la préface. Hugo y remettra en question l'humanisme de Voltaire et des philosophes des Lumières pour revendiquer une solidarité plus chrétienne.
Ce livre se lit en une heure, donc n'hésitez plus.

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