mardi 28 juillet 2015

Un été à Key West, d'Alison Lurie

Key West, c'est cette île plein ouest au large de la Floride, où les Américains du nord du continent viennent se réchauffer ou passer les dernières années de leur vie. Jenny propose donc à son mari, Wilkie Walker, écrivain écologiste vieillissant et déprimé depuis quelques mois, d'y passer quelques semaines, dans le but de le dérider.
Toute une faune les attend là-bas: la vieille Molly, illustratrice atteinte d'arthrite, Lee, belle féministe aux épais cheveux noirs, Jacko, jeune homosexuel séropositif et sa douce mère, sa cousine Barbie niaise et maladroite et enfin sa tante arriviste et républicaine.
Mais rien ne soulage Wilkie Walker, de plus en plus distant avec sa femme; c'est qu'il cache un secret: il n'en a sans doute plus pour longtemps et cherche par tous les moyens à mourir dignement. Pour cela, une seule solution, le suicide, et vite.
Ces tentatives de suicide sont le moteur de l'histoire et Alison Lurie nous mène irrémédiablement de la peine éprouvée pour cet homme angoissé au rire sarcastique quand les tentatives échouent les unes après les autres. Je me suis surprise à penser au Coyote de Bip Bip et le Coyote qui multiplie les plans ingénieux sans jamais réussir.
Mais il y a aussi Jenny, épouse totalement dévouée à son mari, incomprise des autres femmes, enviée des autres écrivains mâles, qui, subissant la froideur de Wilkie, se tourne vers d'autres horizons et se découvre elle-même.
Je ne voudrais pas en dire trop sur ce récit où l'on suit tous les personnages et tous les points de vue tour-à-tour. J'ai été heureusement surprise par l'humour subtilement sarcastique qui se dégage petit-à-petit et qui m'a fait sourire pas mal de fois. Alison Lurie rend les personnages attachants en montrant leurs travers et leurs faiblesses et critique sans pitié le milieu des intellectuels.
J'ai dévoré la deuxième partie du livre, et je compte bientôt me jeter sur Liaisons Etrangères qui a obtenu le Prix Pulitzer. Il semblerait que je me suis dégottée une nouvelle romancière à mon goût!

samedi 25 juillet 2015

Un Bonheur si fragile, Tome un, de Michel David

Saga québécoise, roman du terroir: j'avoue, dans ces quatre termes, deux ne correspondent pas vraiment à mon genre de lecture... mais parce que ce roman m'avait été proposé par Babelio et les Editions Kennes, et que le Québec, en revanche, m'intéresse, j'ai accepté.
Pour commencer, la couverture rappelant Magasin Général de Loisel m'a dérouté: j'ai eu beaucoup de mal à me détacher des personnages de la bande dessinée pour accepter qu'il s'agissait ici d'un monde différent.
Il faut dire que les deux récits ont beaucoup de points communs: l'époque, le lieu, le contexte paroissial et familial, les hommes quittant leurs familles tous les hivers pour aller couper du bois...
Alors si j'aime beaucoup Magasin Général, la qualité de ses illustrations, les différentes intrigues, ce roman tombe un peu à plat... il est comme une répétition, une adaptation du premier, mais dans un style un peu trop facile à mon goût. En fait, j'ai eu, à plusieurs reprises, la nette impression que l'auteur a fait une liste de tout ce qui se faisait au début du vingtième siècle dans la campagne québécoise - les layettes à partir de sacs de farine, l'utilisation des sleighs, la culture du sucre d'érable, le passage de la cuisine d'été à la cuisine d'hiver, et j'en passe, des exemples comme ça il y en a des tonnes - bref qu'il a repris cette liste et qu'il a brodé autour un récit sous forme d'actions qui s'enchaînent sans prendre vraiment la peine de nourrir les phrases qui sont plutôt plates et pas toujours très intéressantes... je ne compte plus le nombre de fois où l'auteur se sent obligé de préciser qu'ils dînent, soupent, attellent le sleigh ou le boghei!

Si je ne m'en tiens qu'au récit, je ne nierai pas que j'ai suivi l'intrigue avec pas mal d'intérêt et qu'il n'y a que vers la fin que je commençais à m'ennuyer. Corinne, une jeune fille doté d'un fort et bon caractère, épouse un homme qui s'avère très vite égoïste, dépensier et paresseux, ce qui n'est rien par rapport à la froideur, la bêtise et la méchanceté de sa famille à lui, alors que celle de Corinne est pieuse, généreuse et aimante. L'opposition est flagrante et un peu grosse, parfois agaçante, mais il faut bien dire que les personnages ne laissent pas indifférents. Corinne se retrouve seule en plein hiver une bonne partie du livre et doit affronter les différentes difficultés qui s'opposent à elle, un peu comme quand Charles Ingalls est bloqué sur la route en revenant de Minneapolis et que Caroline se retrouve en proie à une tempête, mais ici, Corinne a six mois à passer dans cette misère.

La lecture a été plutôt agréable malgré le style et j'ai appris pleins de choses sur le Québec des années 1900, mais je ne pense pas lire les tomes suivants (j'aimerais quand même bien qu'on m'en fasse un résumé!)

dimanche 19 juillet 2015

L'Enigme du Retour de Dany Laferrière

Un homme en exil depuis trente ans apprend la mort de son père. Il prend la route, "sans destination, comme ma vie à partir de maintenant".

Dany Laferrière rentre ainsi en Haïti, enfin, pour apprendre lui-même la nouvelle à sa mère. 
Mise en abyme du père et du fils, tous les deux exilés à une quinzaine d'années d'intervalles, l'un sous la dictature de Papa Doc, le second sous celle de Bébé Doc. Il ne reverra jamais ce père dont il ne se souvient pas, dont il scrute les quelques photos qu'il a de lui pour le connaître un peu. Puis, un jour, il frappe à sa porte, à New York. Le vieil homme refuse d'ouvrir, il est trop tard pour qu'ils se retrouvent. Quelles souffrances et quelle solitude a dû ressentir cet homme dans ce pays d'exil livré à la glace? 

Dany Laferrière retrouve donc son pays natal mais également celui de son père dont il suit les traces, rencontrant ses anciens compagnons, découvrant le Haïti contemporain, ses riches et ses pauvres, sa jeunesse perdue, désillusionnée, coincée là. Nouvelle mise en abyme, son neveu cette fois, nommé Dany Laferrière également et rêvant de devenir écrivain... celui-ci le suit dans son voyage et lui soumet ses doutes.
Laferrière construit un récit poétique et symbolique autour de la quête et l'introspection, dans une écriture souvent à fleur de peau, au plus près du ressenti. Culpabilité de l'exilé qui s'est enfui, laissant sa mère deux fois abandonnée et sa soeur, confrontation des trois temps de la vie et lui, aujourd'hui, homme mûr refusant toute concession pour ne pas avoir à être amer.
Ce roman marque sans doute un tournant dans son oeuvre: s'il évoquait le Québec ou les Etats-Unis comme ses pays d'adoption, Haïti était le pays de la mémoire sensuelle et sensorielle. Après ce retour éprouvant aux origines, dans L'Enigme du Retour, Dany Laferrière y retournera plusieurs fois, comme si un verrou avait cédé; dans Tout Bouge autour de Moi, Haïti n'a plus rien de mystérieux mais est ce pays vivant, réel, victime d'un séisme tragique. 

Un beau roman, beaucoup plus grave et poétique que ceux que j'ai lus jusqu'ici de cet auteur que j'aime beaucoup. 

samedi 18 juillet 2015

Magic Manouches, Enfants voyageurs et auteurs de BD s'échangent des histoires

Ah, j'aurais aimé observer discrètement ces moments d'élaboration du livre!

Je vous explique: une association - la Vue est Superbe  -, le centre social Les Alliers et les éditions FLBLB - une maison d'éditions qui soit dit en passant a l'air très sympa, d'ailleurs voici le lien vers leur blog - ont mis en contact des enfants du voyage et des dessinateurs: Clément Xavier, Grégory Jarry, Lisa Lugrin, Otto T, et Robin Cousin.


En petits groupes, ils ont échangé des histoires: les enfants illustrent celles des intervenants, et ceux-ci illustrent les histoires inventées par les enfants.

Le résultat? Superbe! Chaque histoire est différente de la précédente ne serait-ce que sous sa forme: bd, roman-photo, illustrations.


On reconnaît bien sûr l'univers des enfants, l'école, les parents, la police, l'aventure, les monstres... mais ce que j'ai aimé particulièrement, c'est l'alternance des illustrations, le même personnage représenté par différents enfants de tout âge, ce qui donne au récit une dynamique et une grande originalité.



Le recueil d'histoires se lit et se regarde agréablement - je n'ai pas encore eu l'occasion de le partager avec mes enfants mais je pense qu'ils vont aimer! - mais comme je disais plus haut, ce qui m'a vraiment intriguée, c'est la manière dont les échanges se sont passés.


Sans aucun doute, les enfants ont d'abord lu et observé des BD, leurs codes, discuté du graphisme. L'intervenant a sûrement orienté certains gestes, ou poussé à approfondir les récits. Sur les quelques photos en fin de livre, tous ont l'air à la fois concentrés, fiers et contents.

L'idée de cet échange est excellent, le résultat réussi, et grâce à ce livre, on met un pied dans cet univers du voyage, où les maisons sont représentées par des camping-cars, et où les hérissons et les renards sont des animaux de contes.


Merci à Babelio et aux éditions FLBLB!