samedi 27 août 2016

Les Chiots, de Mario Vargas Llosa

Petit mais costaud! Ce roman qui se lit en deux heures à peine nous fait entrer dans la jeunesse d'un groupe de garçons dans un collège religieux, à partir de l'arrivée d'un nouveau venu: Cuéllar. 
Cuéllar, plus petit et frêle que les autres, devient vite le meilleur de la classe, le plus attendrissant, le plus drôle et et le plus persévérant: pour être admis dans l'équipe de foot de sa bande de copains, il passe l'été à un entraînement intensif, oubliant plages et jeux pour être au top à la rentrée.
C'est ainsi qu'il se rapproche du groupe de garçons mais aussi qu'il se retrouve, dans les vestiaires, agressé par le chien Judas; Des séquelles de cet accident, il gardera le surnom "petit zizi". Si l'handicap dont il souffre n'est jamais nommé, on suit, au moment de la puberté, la lente déchéance agressive et pitoyable de Cuéllar qui ne peut se résoudre à "lever une fille" tout comme ses copains, le tout toujours par le regard de l'un des garçons.
Le récit est à la fois dur et émouvant et la narration très originale, tout en discours indirect libre passant du "ils" au "nous" dans une même phrase, créant un chaos et une urgence qui rythment l'oralité. 
Un vrai travail d'écriture à la fois impressionnant et bouleversant.

Le Seigneur des Anneaux, tome un, de J.R.R. Tolkien


N'ayant pas eu les moyens d'aller en Nouvelle-Zélande cette année, c'est au coeur du Pays Basque que j'ai suivi Frodo, le neveu de Bilbo le hobbit. La rencontre entre la région et le livre était tout-à-fait fortuite, mais parfaite! La nuit, je traversais la Terre du Milieu, quittant le Comté pour rapporter l'anneau à sa place, franchissant forêts hostiles et montagnes enneigées, affolée par le tambour des Orques prêts à surgir après avoir momentanément réussi à échapper aux cavaliers noirs. 

Le jour, je quittais les petits villages basques typiques à l'assaut des collines et des ruisseaux et je revivais, racontant les péripéties vécues par Frodo, son fidèle Sam et les autres à mon fils captivé, les aventures dévorées quelques heures plus tôt. 


J'ai découvert un Bilbo et surtout un Gandalf parfois acerbe - pauvre Pippin -, je me suis attachée à Frodo et Sam, frissonnée à la rencontre de l'Arpenteur, impressionnant, rêvé mélancoliquement auprès des Elfes, peuple délicat, magique, doué. 
L'imagination de Tolkien est foisonnante, son écriture de la nature magnifique, et j'ai savouré les illustrations d'Alan Lee tout au long du récit.

 Un seul grand regret: que la carte de la Terre du Milieu soit ainsi coupée en double page, la rendant presque impossible à suivre lorsqu'ils descendent vers le Sud... En voici donc une nouvelle. 











jeudi 18 août 2016

Une partie de campagne, de Guy de Maupassant

Ce court recueil de nouvelles m'a ramenée, comme tous ces livres écrits il y a plus d'un siècle à l'époque révolue où la campagne était encore sauvage, odorante, inquiétante et où on vivait en son coeur et non à côté d'elle. J'ai ouvert une porte sur l'univers des canotiers, sport régional apparemment le long de la Seine et auquel s'adonnait assidûment Maupassant: microcosme de muscles et de poulettes, d'oeillades, de soupirs mais aussi d'alcool, de rires gras et de fêtes. Maupassant décrit tout ce petit monde avec délice et ironie, même si la tragédie n'est jamais loin, en particulier dans La Femme de Paul.

J'ai adoré Sur l'eau, courte nouvelle proche de ce que je connais surtout de Maupassant, entre mysticisme et fantastique, le tout teinté d'effroi. Un homme s'amarre un instant le long de la Seine, mais un épais brouillard blanc se lève et l'ancre refuse de se lever...
J'ai été choquée par Une Histoire Vraie, que le titre rend d'autant plus horrible: une jeune fille est échangée entre deux propriétaires contre un cheval, pour que M de Varnetot, vieux noble déclassé, puisse s'amuser en toute discrétion. Malheureusement la jeune fille non seulement tombe enceinte mais est surtout éperdument amoureuse de l'ingrat, qui bien sûr ne l'épousera pas.

Chaque nouvelle est une peinture de la société du 19ème siècle, une tranche de vie, comme on dit, prise sur le vif et en pleine évolution. Mais dans ce monde, les filles de ferme ont bien moins de chance que les coquettes de la bourgeoisie.

Le style est délicieux, tellement bien écrit qu'on en redemande. J'ai goûté chaque phrase, sa tournure, ce passé simple de plus en plus incongru aujourd'hui.

dimanche 14 août 2016

Yaak Valley, Montana



Ca a le goût d'un roman policier, mais aussi d'un western. Pourtant, Pete Snow n'est ni flic ni cowboy, il est assistant social. Fraîchement séparé de sa femme alcoolique et infidèle, lui-même plutôt porté sur l'alcool, cheveux blonds filasse, vieilles fringues déchirées, un frère recherché par la police, un vieil enfoiré de père et une fille ado qui s'enfuit de chez elle, notre héros a tout lui-même pour être dans les dossiers des services sociaux... est-ce pour cette raison qu'il comprend si bien les paumés, les marginaux, les bras cassés? 
On devine aisément qu'il a long passif des cas sociaux derrière lui, et encore cette famille composée d'une mère droguée qui se bat avec son ado, pas très net sur les bords. Souvent, la petite Katie se cache dans le placard quand les bagarres éclatent, et seul Pete peut l'en déloger. Il fait bientôt la rencontre de Benjamin, un jeune garçon presque sauvage, qui n'a jamais mis les pieds dans une école, ni regardé la télé, lu de livres et qui vit avec son père dans un trou dans la forêt. Il a une mère, des frères et soeurs, mais qui ont disparu. le père, Jeremiah Pearl, est plus ou moins suivi par la police judiciaire pour une affaire de fausses pièces, mais aussi parce qu'il est peut-être complice de crimes plus graves. 
Bientôt, Pete navigue entre le père, fondamentaliste chrétien aux airs dangereux et son fils, et les états de l'ouest à la recherche de sa fille Rachel, qui s'est barrée de chez sa mère. 
Dans ce premier roman au style recherché, deux vies se font écho, celle de Pete et celle de sa fille, interlocutrice d'un enquêteur imaginaire qui lui pose questions sur questions sur sa vie. Smith Henderson reprend tout-à-tour le genre du roman policier et un style plus poétique et original, ce qui en rend la lecture plus riche. On s'attache vite à tous ces personnages brisés par la vie qui vivent dans un Montana pauvre culturellement, celui sous Reagan. On plonge dans l'Amérique des bas-fonds, du presque rien, de la misère morale et sociale. On assiste à la lente descente aux enfers de Rachel, 14 ans, qui fugue de mecs en mecs et finit par se prostituer; à celle de Benjamin, victime de la folie de ses parents. Morceaux de vie dans celle de Pete qui essaie tant bien que mal à recoller les morceaux alors que sa propre vie n'est qu'un tas de miettes. 
C'est un roman aussi prenant que déprimant, dense mais qui ne se lâche pas. Merci à Babelio et à Belfond pour cette lecture.

Il rêva également. Un diamant inversé sur son front. Un arbre. Il était un paysage. Il était couvert d'arbres. Il était le Yaak. Il était Glacier Park. Il était toutes les vallées majestueuses du Montana occidental, traversé par les ombres des nuages. Les tempêtes se brisaient contre son nez. Il n'était que très peu peuplé. Il était une ville. Il regorgeait de voies rapides et de lumières. Il rêva qu'il avait une soeur, une soeur très belle, et dans son rêve il se fit lui-même la réflexion que cette fille était Rachel et qu'il rêvait d'un autre esprit contenu à l'intérieur du sien, un frère que Rachel n'avait jamais eu, un fils. Dans son rêve, il se disait que nous contenions tous un nombre incalculable de masses et que les gens n'étaient que de simples potentialités, des exemples, des cas.